Fabuleux tableau de Leonard de Vinci, La Dame à l’Hermine a été expertisé par Pascal Cotte . Découvrez cette passionnante histoire.
Il a fallu plus de cent ans aux experts pour attribuer définitivement La Dame à l’Hermine à Léonard de Vinci.
Ce chef d’œuvre est un trésor national en Pologne, l’équivalent de La Joconde pour les Français. Conservé au musée Czartoryski à Cracovie, le tableau n’est accessible qu’à deux personnes : le conservateur et la restauratrice.En septembre 2007, le comte Adam Zamoyski, alors président de la Fondation des Princes Czartoryski, nous autorise à numériser La Dame à l’Hermine afin de lancer une nouvelle étude scientifique, les dernières remontant à 1955 et 1992.
Après La Joconde en 2004, La Dame à l’Hermine est le deuxième tableau de de Vinci que nous avons eu le privilège de numériser. Or Léonard n’en a laissé qu’une douzaine.
Treize si l’on compte l’œuvre sur parchemin récemment découverte, La Belle Princesse.
Avoir accès à l’œuvre la plus célèbre de de Vinci après La Joconde, est un privilège et la preuve d’une grande confiance de la Fondation en notre savoir-faire.
Pour la prise de vue, le tableau a été mis à nu.
Il a fallu non seulement l’extraire de son cadre, mais encore retirer le châssis de contention, sorte de cadre supplémentaire qui maintient parfaitement plan la planche de noyer.
Même les bords, habituellement cachés, ont été rendus accessibles pour que l’analyse soit complète.
Il est rarissime de pouvoir examiner cette peinture dans de telles conditions. Jean Penicaut et moi-même tenons à exprimer nos plus vifs remerciements à la Fondation des Princes Czartoryski pour ce privilège.
Les espoirs suscités par cette numérisation étaient nombreux : qu’allait-on découvrir de nouveau sur la technique de Léonard, sur les couleurs d’origine, sur l’état de conservation du panneau, sur les restaurations, les vernis ?
Allait-on être déçus par les résultats ? Toutes ces interrogations furent source d’inquiétude et d’impatience.
La capture d’une image n’est que la première étape d’un long travail d’analyse scientifique, de partage de la connaissance avec des experts, des spécialistes de la lumière, des conservateurs…
Nous avons beaucoup travaillé, exploré toutes les données apportées par la technologie, analysé des milliers d’images et avons eu la joie de découvrir beaucoup d’informations nouvelles, de pénétrer un peu mieux le savoir-faire du grand maître italien.
La Dame à l’Hermine
Le sujet de l’oeuvre
On pense que l’œuvre représente Cecilia Gallerani, la maîtresse de Ludovic Sforza, duc de Milan. Cecilia Gallerani (1473-1536) était devenue la maîtresse de Ludovic Sforza très jeune (vers 1488-1489). Leur liaison dura jusqu’au milieu de l’année 1492, après qu’elle eut donné naissance à un fils, César. En 1490, Ludovic Sforza épousa Béatrice d’Este, qui le contraint à mettre fin à cette relation.
Historique de la réalisation du tableau
Histoire récente du tableau
Expertise scientifique par l’analyse multispectrale
À partir des informations obtenues grâce à la numérisation du panneau et à son examen visuel approfondi au Musée Czartoryski, une restauration virtuelle a été réalisée par notre équipe sur écran.
« Il s’agit d’une opération dont la fonction scientifique, tout en étant établie à partir d’observations matérielles précises, reste celle d’un support de réflexion. »
En effet, seuls des essais de nettoyage entrepris sur l’œuvre elle-même permettraient de considérer qu’une restauration réelle aboutirait ou non à l’obtention d’un état proche ou analogue à celui du nettoyage virtuel.
Les premières conclusions des analyses multispectrales sont les suivantes :
- Un repeint noir uniforme masque la totalité du fond du portrait. Il déborde notamment avec raideur sur les contours les plus sensibles de l’œuvre, par exemple : sur la partie éclairée du visage qui se découpe sur le fond, et sur la courbe de l’épaule gauche de la Dame.
Cette raideur est incompatible avec l’art de Léonard, infiniment délicat, puisqu’il recommandait l’interaction subtile de la forme représentée avec son arrière-plan (ici un fond sombre uni) donc au moyen d’un clair-obscur (chiaroscuro en italien) dépourvu de toute brutalité.
La caméra multispectrale a relevé par endroits sur l’œuvre la couleur sous-jacente du fond initial, qui n’avait pas totalement disparue et demeurait visible ici et là. Elle était d’un ton brunâtre additionné de bleu; Léonard avait modulé la couleur de sorte à suggérer espace et profondeur. Une proposition de restitution d’un fond de ce type a été faite sur écran. - La zone inférieure du portrait a fait autrefois l’objet de remaniements qui ont désaccordé l’image à cet endroit.
Les repeints ont été ôtés par informatique. La main gauche de la Dame a ainsi retrouvé sa cohérence, ainsi que les manches leur couleur réelle.
De cette façon, l’organisation spatiale voulue par Léonard dans cette zone à été restituée. - La coiffe de Cecilia Gallerani a été débarrassée d’un repeint partant de l’oreille droite (non visible) et soulignant l’ovale du visage avec dureté sous le maxillaire.
Cette suppression a rendu sa légèreté à la coiffe et permis de retrouver très distinctement le fin galon jaune torsadé qui surplombe actuellement les sourcils du modèle, mais qui bordait aussi à l’origine la partie montrée de l’ovale du visage. - La peinture, quoiqu’étant en bon état général, est actuellement recouverte d’une multitude de petits repeints. Ils ont été enlevés numériquement, rendant dès lors toute leur fraîcheur au visage, au décolleté, au galon brodé qui le borde, au collier de perles, à la main droite, aux rubans noirs des manches, à l’étoffe bleue et au velours rouge du costume, etc.
L’hermine avait également été retouchée. Elle a retrouvé sur écran son pelage blanc, méticuleusement représenté par Léonard. - La caméra multispectrale a mis en évidence le travail technique de Léonard dans les chairs, principalement dans le décolleté. Comme dans d’autres peintures du maître antérieures aux années 1500, la matière a été en partie travaillée avec les doigts.
Un intéressant réseau d’empreintes digitales est discernable, montrant comment Léonard a obtenu les passages entre l’ombre et la lumière grâce à sa technique digitale. - Dans les parties de l’anatomie très altérées dans leur aspect, par le fait que le fond noir actuel les chevauche en partie et abruptement, une simulation a permis d’éliminer ce défaut gênant et de rendre à ces zones essentielles (coté gauche du visage, épaule gauche) un aspect plus compatible avec le style Léonard.
- Dans l’état nettoyé virtuellement, la Dame à l’Hermine à retrouvé une complète cohérence stylistique par rapport aux oeuvres connues de Léonard à l’époque du premier séjour milanais de l’artiste (C.1482-1499).
La sensation de relief est redevenue très perceptible et les moyens employés par Léonard pour y parvenir mieux révélés.
L’effet sculptural repose sur les contrastes de l’éclairage. Le mouvement en contrapposto, marqué, beaucoup plus évident désormais, donne l’impression de la vie.
Video des spectres de la Dame à l’Hermine
Conclusions
Pascal Cotte a ainsi passé trois ans à analyser La Dame à l’Hermine.
- L’analyse des pigments a permis de reconstituer les couleurs d’origines qui se sont dégradées dans le temps.
- L’hermine n’était pas dans les bras de la jeune femme, l’animal a été ajouté par Léonard.
Liens Externes sur La Dame à l’Hermine
- Le tableau sur Wikipedia
- Tableau de Léonard de Vinci acquis par l’État Polonais sur connaissancedesarts.com
- Le tableau de Léonard de Vinci sur Wikiart.org
- Comment sait-on que le tableau n’en avait pas ? sur science-et-vie.com
- Musée Czartoryski sur Wikipedia
- Etude du tableau sur casablancasylum
- Léonard de Vinci : La Dame (1488-90) sur Rivage de Bohème
- Le tableau de Léonard de Vinci appartient désormais à la Pologne sur lefigaro
- Le tableau de de Vinci sur vanupied